«L’enchevêtrement des fragilités menace les processus de transition au Sahel» Par Amadou Tidiane CISSÉ

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Du 1er au 4 juillet 2024 s’est tenue à Stadtschlaining (Autriche) la deuxième édition du Forum international du Centre Autrichien pour la Paix. 

Le Forum a réuni plus de 300 participants venus du monde entier et a enregistré la participation de l’ancien Président autrichien Heinz Fisher. 

Au cours de sa communication, le Lt-colonel Amadou Tidiane CISSÉ, Inspecteur principal des douanes, invité du Forum s’est prononcé sur la sécurité au Sahel en ces termes : « L’Alliance des États du Sahel (AES), en tant que réalité géopolitique en construction, a la particularité de vivre des complexités très délicates à démêler, des situations à la fois tragiques et désastreuses, dont l’interdépendance rend les mesures de mitigation des États affectés, difficiles à mettre en œuvre.

 Elles ont pour noms pauvreté endémique, extrémisme violent et criminalité transfrontalière :

  • Les États parties qui composent l’AES, à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso, figurent parmi les pays les plus exposés à la pauvreté : les pays de l’’AES ont un PIB par habitant compris entre 610,64 et 885,88 dollars US, selon des sources officielles. Il s’y ajoute que le dernier rapport de la CNUCED a annoncé une chute vertigineuse des IDE au Sahel, notamment au Burkina Faso, avec une vague de désinvestissement sans précédent (670 millions de dollars en 2022 vs 85 millions de dollars en 2023), soit une baisse de 87%.
  • A cette faiblesse structurelle de la richesse économique des pays l’AES s’ajoute l’occurrence des interventions des militaires pour la conquête du pouvoir, dont l’ingérence dans les affaires publiques a été motivée par l’incapacité des Présidents élus à faire face aux problèmes de développement et à la crise sécuritaire persistante.

Pour rappel, les trois pays qui composent l’AES ont connu au total dix-huit (18) coups d’État réussis entre 1966 et 2023. Les trois derniers sont intervenus dans un contexte de crise sécuritaire tendue au Sahel.

  • Enfin, les pays de l’AES sortent d’une décennie de violences orchestrées par les groupes islamistes, qui ont réussi à arracher aux pays de l’AES de vastes portions de leurs territoires. 

Ces régions soustraites au contrôle de l’autorité de l’État sont devenues des zones grises où prospère une économie criminelle dont la diversité et l’importance des profits qu’elle gère ont fini par faire de la région un eldorado pour les acteurs de la criminalité transnationale organisée (trafic de drogues, de carburant, de cigarettes, traite des êtres humains, de médicaments falsifiés etc.)

Cet enchevêtrement de fragilités menace la paix et les processus de transition démocratique en cours en Afrique de l’Ouest.

L’Union européenne, deuxième marché de consommation de cocaïne, doit revoir ses paradigmes en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée.  

En effet, pour lutter contre le trafic de drogues, l’Alliance européenne des Ports a été instituée, et face au resserrement des contrôles au niveau des ports de Rotterdam, d’Anvers et du Havre etc., par une inspection non intrusive plus performante, il s’est opéré une intensification du trafic international de cocaïne sur les routes maritimes qui mènent vers l’Afrique de l’Ouest.

La crise sécuritaire en cours dans les pays du Sahel renforce leur position de point relais mondial des cartels sud-américains.

Face à la crise sécuritaire qui sévit, une réponse militaire vigoureuse est expérimentée par les pays de l’AES avec des stratégies anti-insurrectionnelles pour démanteler les sanctuaires terroristes et reconquérir des espaces territoriaux perdus.

Toutefois, l’approche doit être plus holistique, en favorisant par exemple le retour de l’État protecteur, qui serait plus orienté vers la satisfaction des besoins sociaux, économiques fondamentaux et de justice des populations.

 

Enfin, la société civile doit être placée au cœur des processus de résolution des crises, particulièrement les légitimités traditionnelles africaines qui ont une compréhension des dynamiques locales qui fait qu’elles gardent toute leur efficacité en matière de médiation et de règlement des tensions communautaires. »

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