Talaatay Nder : Le Nder de l’humiliation (Par Adama Gaye)

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Talaatay Nder : Le Nder de l'humiliation (Par Adama Gaye)
Talaatay Nder : Le Nder de l'humiliation (Par Adama Gaye)

Quelle baffe. De quoi faire se retourner dans leurs lieux d’immolation les femmes de Nder. Les héroïnes. Celles du Walo dont on raconte qu’elles s’étaient immolées, en un temps ancien, pour ne pas devenir des captives d’une armée maure.

Les historiens, révisionnistes ou authentiques, affirment qu’elle était venue sur leur sol natal faire une rezzou, ancêtre de ces incursions militaires modernes, parfois Jihadistes, parfois Terroristes, toujours conquérantes, dans le but de faire main-basse, une razzia, sur des territoires et peuples ciblés.

Nder se produisit le 7 mars 1820. Entré dans l’histoire, ce moment suscite toujours la curiosité de quiconque tente de dénicher une heure de gloire, où, dépassant leurs égoïsmes, les femmes Sénégalaises ont laissé une marque de grandeur dans la marche du pays.

Deux cents ans plus tard, en ce 8 mars 2022, elles étaient donc sorties en grandes pompes pour perpétuer la geste.

Il ne leur manquait rien, ou presque, autant dans l’accoutrement d’époque que dans le port d’une pipe seigneuriale, tous les attributs physiques étaient déployés, magnifiés par de grands boubous dégageant un encens à faire tourner la tête aux plus exigeants Ayatollahs.
Elles avaient pris d’assaut la capitale du Sénégal. Du Grand Théâtre, situé à l’entrée de la ville, jusqu’aux alentours de la Patte d’Oie, à des kilomètres, rapporte un témoin oculaire, on ne voyait qu’elles.

Elles s’étaient mises sur leur 31. L’insouciance soufflait comme un doux harmattan sur elles. Elles marchaient à pas lents, se dandinant, rires déployés, répétant à haute-voix, malgré le climat de guerre né de multiples conflits, du Mali à l’Ukraine, qu’elles étaient en mode: « HAPPY ».

C’était clairement une stratégie pour en boucher un coin aux grincheux. En un mot, allant à la soupe, elles n’avaient lésiné sur aucun symbole. Elles avaient même fouillé dans les valises à l’ancienne des grand-mères pour ressortir les grands boubous d’antan. Convoquer le passé pour conquérir le présent…

Leur message subliminal dépassait la sublimation du passé. Il fallait que Monsieur Macky Sall, Président de la République, comme elles l’appellent, sache, ce jour-là, que sa force de frappe féminine était de sortie. Pour que le monde sache qu’il peut compter sur elles comme Poutine sur ses ogives nucléaires.

Toutes avaient rincé leurs racines généalogiques afin de signifier qu’elles n’étaient pas n’importe qui…

La mise en scène était grandiose. Le Grand Théâtre mobilisé. La publicité, retentissante, autour de l’évènement.

Au pif, elles n’étaient, à vrai dire, pas insignifiantes, tellement on pouvait, à les lister, faire un roller coster de la nomenclature des dames les plus reconnues de la nation. La plèbe féminine n’avait pas sa place ici, puisqu’en fin de compte le projet était de structurer le banquet des profitards (es) accroché (e) s aux flasques mamelles d’un Etat capturé. Les pauvres, hommes ou femmes, n’y avaient pas de place…

Rien ne devait gâcher la fête. Nder se re-jouait à guichets fermés.

Une musique douce montait des ailes du Grand Théâtre, lieu, s’il en est, de festivités d’un pays toujours prompt à fêter dans sa quête d’exutoire pour oublier le climat ambiant, la faillite, morale, économique, politique, causée à une nation ayant le moral aux talons, par celui qu’elles avaient choisi de bizarrement célébrer.

Le décor était en place. Ma-gni-fique. Outre-tombe, les résistantes de Nder 1820 s’étaient réunies, là-haut, pour revivre ce qu’à travers leurs descendantes une cuvée de Sénégalaises s’apprêtaient à projeter. Pour en faire le feu d’artifice final d’une fête dédiée, mondialement, à la promotion des droits des femmes.

La grande salle était pleine à craquer. Les micros détonnaient. Les griots, sous la conduite de celui des VIP, Alassane Mbaye, s’en donnaient à cœur-joie, dévalisant des généalogies repassées cependant par une chirurgie artistique.

C’était un grand jour. Ces femmes avaient décidé de prouver au monde qu’elles étaient le bouclier de l’homme le plus impopulaire du Sénégal, le grand voleur des deniers et ressources publics. Elles n’en avaient cure.

Dans une détermination à faire un pied de nez à la vérité, à l’histoire, au devoir de s’aligner derrière les tenants de la vérité, seul leur importait le souci de faire, via Nder, du Maatèye, un je-m’en-foutisme qui en disait long sur leur capacité à se poser en ennemies de la marche vers l’avant du pays.

« On nous déshonore, mais nous restons derrière notre Wathiatia », semblaient-elles dire.
Elles l’attendaient avec des fleurs. Se pâmant à la perspective de voir arriver leur héros.
Le temps s’écoulait. Soudain, la gifle. Le goujat, qu’elles avaient imprudemment habillé d’un manteau de classe et grandeur, n’eût même pas le réflexe de comprendre à quel point il trahissait ses Amazones de pacotilles qui avaient cependant fait tout ce qu’elles pouvaient pour faire peur à ses détracteurs.

Nder 2022 fut un Grand Théâtre d’ombres. Macky Sall n’est pas venu. Les femmes, en temps de vrai Nder, se seraient immolées. De honte. Elles sont rentrées sur leurs escarpins. Toutes mouillées. De sueur.

Femmes du Sénégal, regardez-vous dans un miroir: on ne trahit pas les causes justes rien que pour participer à une fête de forfaiture au service de l’ennemi de la nation.
Les femmes, les vraies, de Nder, n’en finissent pas de vous tchipatou. Vous vous êtes déshonorées. Ma wakh-lènkoo teh déh, massa.

On ne s’acoquine pas avec un zéro classe en délaissant les gentlemen. Loukofi Jarr?
Manque de vergogne, que personne ne soit surpris de voir les têtes d’affiches, à claques, ayant mené l’expédition infructueuse participer bientôt à une séance de rattrapage -sous les rires moqueurs des héroïnes qui se savent trahies par des voleuses d’histoire.

Cette humiliation restera dans les annales en lettres de déshonneur. A force de courtiser l’immoralité, rien que pour se joindre à la cohorte des destructeurs des biens de la nation, par matérialisme, les femmes qui sont allées au Grand Théätre y sombrent à jamais -dans le fracas d’un ratage monstre…

Leur Talaatay Torokh n’a rien à voir avec le Talaatay Nder.
Quelle gifle !

Adama Gaye* est un opposant en exil au régime de Macky Sall

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