Face aux députés lors du vote de son budget, le ministre de la Justice a affirmé sans sourciller que «l’indépendance de la Justice est une réalité au Sénégal.» Dans le même sillage, Malick Sall d’ajouter : « le respect de l’État de droit et la bonne gouvernance sont des réalités qui épousent la vision du chef de l’État.
« Il n’y a nullement de crise dans le secteur de la justice », a-t-il déclaré. La question qui nous taraude l’esprit est de demander au garde des Sceaux dans quel Sénégal l’indépendance de la justice est une réalité ? Du Sénégal où le juge Ibrahima Hamidou Deme, excédé par les immixtions intempestives de l’Exécutif dans les affaires du judiciaire a fini par jeter le tablier avec ces mots « j’ai démissionné d’une magistrature qui a démissionné.» ?
Ou encore de ce Sénégal dont le juge Aliou Ndao disait qu’il « arrive que l’Exécutif bloque la main d’un juge » ? Selon l’ex procureur spécial de la Crei limogé en plein procès de Karim Wade : « , le magistrat suit parfois la volonté de l’Exécutif pour ne pas mécontenter l’autorité hiérarchique alors qu’il doit poliment mais fermement refuser. Et celui qui ose braver l’ordre de la tutelle se retrouve sans défense face aux foudres de la Chancellerie.» Et l’affaire du Juge Souleymane Teliko qui a écopé d’un blâme pour avoir donné son avis sur la violation de la procédure, lors du procès en appel de Khalifa Sall s’est-elle passée dans le même Sénégal dont parle le Garde des Sceaux ? Selon toujours Malick Sall
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«le respect de l’État de droit et la bonne gouvernance sont des réalités qui épousent la vision du chef de l’État.» Est-ce du même Sénégal où les dossiers mettant en cause des dignitaires du régime dorment sous le coude du président, ou encore du Sénégal où des tenants du régime coupables de faux monnayage sont libres comme le vent, où encore de ce Sénégal où des proches du pouvoir sont accusés d’avoir fait impunément main masse sur les ressources pétrolières et gazières du pays ? Mais ce n’est pas la première fois que le ministre Malick Sall refuse obstinément de voir la réalité.
Interpellé sur la grève des greffiers en juin lors de son passage au Jury du dimanche de Iradio, le garde des Sceaux avait rejeté tout problème avec les travailleurs de la Justice alors que la grève battait son plein avec une paralysie de la justice. « En vérité, il n y a pas de contentieux entre le Sytjust et le garde des Sceaux» avait-il affirmé. Dans un communiqué publié au même mois, le Sytjust notait que : « depuis son arrivée à la tête de la chancellerie, Me Malick Sall est dans un constant déni de devoir et de responsabilité contre les intérêts des travailleurs de la Justice. » Pour dire que malgré tous les problèmes que rencontre la Justice, le garde des Sceaux ne veut rien voir. Mais ne dit-on pas qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir ? Ou bien les lambris dorés du pouvoir ont-ils altéré la vision de Malick Sall au point de croire que les sénégalais sont amnésiques. Lui qui, fraîchement nommé ministre de la Justice, disait qu’il était venu « mettre de l’ordre dans la justice »Interpellé par Iradio, le nouveau promu déclarait ceci« Mes priorités, d’abord, c’est de faire en sorte que la Justice retrouve son lustre parce que la justice sénégalaise est respectée à l’étranger. C’est le propre de l’homme, ce n’est pas seulement le Sénégalais qui dit que la Justice est injuste. La justice sénégalaise a des faiblesses. Ma charge sera de remettre de l’ordre.» Donc s’il estimait être venu remettre de l’ordre, c’est que forcément il y avait du désordre. Ou appelait-il mettre de l’ordre réduire le peu d’espace qui restait aux magistrats ???
Avec Tribune