Elle est censée apporter bonheur et soulagement, mais ce cadeau du ciel qu’est la pluie, est hélas devenu une malédiction pour les Sénégalais. En particulier les citadins, pour qui, le moindre ciel nuageux est désormais synonyme d’angoisse et surtout de frein pour les nombreuses activités à mener. Ce sont ces Sénégalais qui vivent dans les eaux, ou à côté qui sont vraiment à plaindre.
Difficile d’imaginer leur existence empoisonnée par les eaux verdâtres, sales dans des environnements infestés de moustiques et de crapauds. Même fermer l’œil dans ces zones, relève du miracle. Il serait à dire vrai impossible de se mettre à leur place. Il faut vivre ce qu’ils endurent au quotidien pour en mesurer l’ardeur. Pour ceux-ci, c’est le feuilleton du calvaire et de l’enfer qui se poursuit sans cesse, et à longueur d’années.
La nouveauté, ce sont ces populations de Thiaroye sur Mer qui sont, le temps d’un week-end, retournées aux sources, obligées qu’elles sont de se déplacer à bord de pirogues. Les images de ces personnes transportées à bord, ont d’ailleurs fini de faire le tour des réseaux sociaux. Une situation invivable qui ne manque pas de révéler ses excès comme ces jeunes de Thiaroye qui ont aussi barré la route nationale, pour manifester leur colère. Dans d’autres quartiers de Dakar arrachés par les eaux, c’est le transport de personnes improvisé à bord de charrettes qui a supplanté celui des bagages. Le transport à dos par des jeunes, moyennant 200 francs par personne.
La grande première dans cet bordel hydrique, c’est Gibraltar Centenaire qui patauge le temps de ce week-end pluvieux. Il y a aussi cette vidéo de Serigne Mboup, le maire de Kaolack qui montre aux kaolackois que lui aussi est victime des inondations. Et dire que les Almadies sont ce quartier huppé de Dakar que les nouveaux riches et politiques désormais prospères convoitent tant. L’assainissement y est pourtant un parent pauvre. la cité Keur Gorgui, ce quartier né pour étancher la soif foncière du régime wadien, n’est guère mieux loti. Qu’est-ce qu’il est dangereux de s’y aventurer en temps de pluie avec l’eau qui déferle, telle les vagues d’une mer en furie. Pour les automobilistes, c’est tout simplement un risque que de s’y retrouver piégés : nids de poule et cratères jonchent les routes au bitumage très approximatif.
A la vérité, c’est presque sur toute l’étendue du territoire que les pluies sont tombées et créé un grand bouleversement dans la vie des Sénégalais. La seule différence avec la capitale Dakar, est que ces contrées éloignées de la capitale, sont moins peuplées, moins exposées, plus spacieuses avec beaucoup d’espaces vierges et non bitumés qui permettent du coup, une évacuation voire absorption plus rapide des eaux.
Des inondations sont toutefois enregistrées dans les régions, dans des contrées telles que Kaffrine ou la ville de Touba. Dans la ville sainte par exemple, les choses se compliquent avec l’eau qui occupe depuis un certain temps, les grandes artères de la ville. Beaucoup de routes de Touba sont devenues impraticables, et la situation risque de ne pas changer de sitôt, surtout à l’approche du Magal de Touba. De nombreux quartiers ont été pris en otage par les eaux : Gouy Mbind, Soura, Darou Minane, Darou Khoudouss…, de nombreuses maisons sont dans les eaux. Les occupants ont d’ailleurs été obligés d’aller vivre ailleurs.
Le pire dans ce désordre hydrique, ce ne sont pas ces automobilistes qui vivent avec la psychose de voir leurs véhicules échouer dans les eaux ou pris au piège d’embouteillages sans fin, mais ces pertes en vies humaines qui commencent à s’accumuler. Comme lors de l’avant dernière pluie de 126 Millimètres. Ou encore celle de ce week-end du 2, 3 et 4 septembre ayant enregistré 3 morts, dont un dans le Fouta, un à Cambéréne par électrocution et cette mort si triste de ce bébé de 7 mois, noyé alors qu’il dormait. Une situation globale catastrophique qui a d’ailleurs poussé le chef de l’Etat, en voyage en Arabie Saoudite, à présenter ses condoléances depuis les lieux saints de l’Islam. Si seulement il pouvait écourter ses voyages. Lui qui est à sec entre les airs et la terre pour aller parler de changement climatique. Il fera un périple au Danemark après sn passage, lundi 5 septembre aux Pays bas.
Les millions de mètres cubes du « Soleil »
Dans ce bordel hydrique à grande échelle, le Journal « Le Soleil » est complètement passé à côté de l’information dans son édition du 3 septembre, en voulant prouver que l’Etat travaille d’arrache-pied, dans le cadre du plan Organisation des secours en cas de catastrophes (Orsec). Figurez-vous qu’il a tenté de faire passer l’idée selon laquelle, il a libéré 5,93 millions de mètres cubes. Tout cela pour dire que 73 sites sont évacués sur 194. Même pas la moitié ! Et l’astre de Hann, d’ajouter : « L’Onas a transvasé 447 734 mètres cubes d’eau grâce à ses 75 stations de pompage ».
On est en effet en plein dans la communication. Et il y a de quoi s’interroger sur le procédé. Que représente un mètre cube d’eau pour les populations ? Leur annoncer un nombre de quelques millions de mètres cubes, puis ajouter plusieurs milliers de mètres cubes pompés par l’Onas, ne les informe pas plus que cela sur l’ampleur des zones évacuées. Bien au contraire, une telle information embrouille davantage les esprits. Communiquer nécessite une bonne dose de bon sens et tout de même un peu plus de jugeote que cela ! La preuve, après avoir évoqué ces 73 sites évacués sur 194, le journal gouvernemental est revenu dans son édition du lundi 5 septembre sur le sujet pour nous apprendre 208 sites sont inondés. Ce qui annihile tous les efforts d’évacuation qu’on tentait de vendre aux Sénégalais.
Un plan Orsec qui vire finalement à la farce car les chiffres montrent à quel point l’inefficacité est au rendez-vous. Le film Orsec est finalement assimilable à ce proverbe wolof, repris d’ailleurs par Youssou Ndour dans une de ses chansons et qui résume si bien la situation : « lorsque 10 personnes creusent un trou et que 10 autres y déversent du sable, le résultat ne peut être qu’un nuage de poussière».
Que l’on en soit réduit avec ce fameux plan, à enrichir des entrepreneurs du secteur de l’hygiène et de l’assainissement, montre que celui-ci est tout simplement désastreux pour les maigres ressources du pays.
Une communication globalement inefficace sur le sujet gestion des inondations, en ce sens que les Sénégalais attendent des gouvernants, un résultat en adéquation avec les 766 milliards du plan décennal 2012-2022. Il sera en tout cas bien difficile de convaincre les Sénégalais quant à l’effectivité et l’efficacité de cet investissement.
La perception globalisée et négative des Sénégalais, liée à l’incurie dans la gestion de l’assainissement, ne réside en réalité que dans ce qu’ils voient et vivent, et non ce qu’on veut bien leur faire croire. Voir tous ces points stratégiques, tels que la Corniche, l’avenue Bourguiba, Castors, la Cité des Eaux, etc en permanence coupés, suffit à se faire son idée car sur l’équation assainissement, il est plutôt question de réseaux interconnectés que de branchements isolés. Dans ces circonstances, aussi bien la circulation que les déplacements des populations sont empêchés. Si à cela l’on ajoute les désagréments causés par les chantiers du BRT, il y a de quoi se poser des questions sur la gestion coordonnée et intelligente des chantiers de l’état. La vérité est que ces travaux ont exacerbé les inondations, tous les raccordements pour évacuer les eaux de pluies étant coupés.
Mais que font au juste nos gouvernants au quotidien ? Ils nous ont pondu un plan décennal de 766 milliards qui a pris fin en 2022. L’ont-ils seulement évalué ? Ils nous en ont en tout cas pondu un autre. Nous avons à la vérité des problèmes aigus d’urbanisation et d’organisation de notre espace. De vrais problèmes d’assainissement. De vrais problèmes de maîtrise des prix. La gouvernance qui est le socle de tout cela, a failli dans tous les sens du mot. Que la ministre du commerce Assome Diatta soit d’accord sur toutes les augmentations exagérées des prix des denrées de première nécessité ou du ciment, est normal. Qu’elle nous prouve qu’elle est impuissante, est un acte tout à fait compréhensible, ce d’autant plus que son patron et non moins président de la république, a lui-même démissionné sur la question du loyer où les locataires sont désormais laissés à la merci des bailleurs.
Une élection sans victoire et sans gloire
Il semble que Macky Sall n’en ait cure de la dure vie des Sénégalais, malgré les nombreux signaux émis par ses compatriotes à travers ces élections qui se succèdent et qui lui révèlent chaque jour qu’il descend dans leur estime. Sinon, il ne songerait certainement pas à reconduire le Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct) ou à maintenir le Conseil économique, social et Environnemental (Cese).
Une élection du Hcct d’ailleurs désertée par la conséquente opposition significative qui n’y voit qu’un moyen de plus pour caser une clientèle politique en quête de ressources. Mais l’hérésie de ces élections, réside surtout dans le fait que le chef de l’état en nomme les 70 membres sur les 150 ! A quoi cela rime-t-elles, sinon à une absurdité sans nom ? C’est en effet une victoire sans gloire que la majorité a enregistrée au terme d’élections les plus fades et les plus impopulaires de l’histoire, puisqu’elle a raflé 78 sur les 80 sièges qui étaient à pouvoir, ce dimanche 4 septembre, gagnant 44 sur les 46 départements que compte le Sénégal. Seuls deux sièges restants ont été remportés par Bokk Gis Gis Liggey, nouvel allié du camp présidentiel, et la liste Dental Sénégal/Actions patriotiques.
S’il était soucieux de l’économie de nos maigres ressources, le président Sall aurait sans doute supprimé également ce machin de Conseil économique, social et environnemental que dirige l’ancien Premier ministre sous Wade, Idrissa Seck, que certains journaux ont fini de présenter comme un premier ministrable, en ces temps où la météo commence à prendre la même importance que chez les occidentaux. Avec Macky Sall, difficile en effet de savoir le cap qu’il cherche à prendre.
Si l’opposition s’est montrée conséquente sur le dossier Hcct en boycottant les élections, elle l’est moins sur la question du cumul des mandats. Elle avait annoncé la rupture, mais à l’arrivée, l’on ignore ce à quoi elle joue. Eux si souvent enclins à critiquer le régime. Comme ce cher Barth qui a fort à faire à la Mairie de Dakar, la ville si capitale et pour laquelle l’on aimerait avoir plus de visibilité quant à ses projets.
Comment d’ailleurs comprendre cet avis si contradictoire de Boubacar Camara, l’ancien DG des Douanes qui est à la fois contre le cumul des mandats et qui déclare à « Grand Jury » de ce dimanche 4 septembre, sur la RFM, que les députés maires ne doivent pas abandonner leur mandat de députés car cela ne ferait que les affaires de la majorité. Il a aussi fait valoir que les ténors de l’opposition ne sont pas à l’hémicycle ? Une manière de renforcer la présence massive des suppléants. Pour Camara, c’est le contexte qui impose certaines postures.
Une attente si longue
Pour l’heure, les Sénégalais sont laissés en proie à leur quotidien bien compliqué, avec la perspective de l’installation d’une Assemblée nationale désormais plus équilibrée et dont ils attendent beaucoup. Un remaniement ministériel est aussi en vue avec un gouvernement dont ils scrutent ses composantes sans qu’ils n’en attendent des miracles, la simple curiosité semblant plus les amuser. De deux choses l’une : soit Macky Sall décide de reconduire son équipe habituelle, quitte à embarquer des nouveaux avec ; soit il récupère ses anciens ministres bannis et les combine avec des ministres victorieux et quelques nouveaux. Difficile d’envisager un gouvernement avec une forte dose de novices, avec le risque de voir la plupart de l’attelage se mettre à prendre ses marques et à apprendre la fonction. A 18 mois et peut-être moins, en tenant compte de la dernière ligne droite de la présidentielle, c’est une option qui semble moins logique. Mais dans les deux cas, le président Sall semble avoir épuisé son réservoir de ministrables. C’est ce que l’on appelle en jargon plus simple, un plafonnement dans la gouvernance.
Toujours est-il que la nomination de Mamadou Badio Camara à la tête du Conseil constitutionnel n’a surpris que les non avertis et ceux-là qui ne savent pas décrypter certains signaux. Elle a donné naissance à une avalanche de critiques et de craintes sur les réseaux sociaux, ainsi qu’une grande suspicion. Ce qui en dit long sur le manque de confiance de certains sénégalais vis à vis du conseil constitutionnel qu’ils ont déjà vu à l’œuvre. Un journal comme Walf quotidien s’est même permis de parler de « sécurisation » de sa 3ème candidature par Macky Sall avec un sous-titre «le bourreau de Karim et khalifa Sall remis en selle » et « Sonko en sursis ». La difficulté avec ce type de juridiction, est non simplement qu’elle statue en 1er et dernier ressort ; ceux qui la suspectent, le font sur la base d’une expérience et de certaines décisions jugées controversées.
Il est maintenant clair que ce pays n’évoluera pas dans le sens positif du terme, tant que les institutions ne seront pas réformées dans le sens de réduire les pouvoirs exorbitants de l’exécutif et d’autonomiser les institutions d’arbitrage. Ce qui signifie qu’il faille ôter tout pouvoir d’immixtion du président de la république dans la gestion de la carrière et l’affectation des magistrats. Ce qui induit aussi sa non immixtion dans leur nomination à quelque poste que ce soit. Sans oublier toutes ces institutions de contrôle de l’Etat rattachées à la présidence et qui sont à déconnecter. Tout comme le choix des députés, le changement du mode de scrutin, l’organisation des élections par le ministère de l’intérieur.
En attendant que des changements puissent être opérés dans ce sens, certains potentiels candidats à la présidentielle de 2024, Khalifa Sall et Karim Wade en l’occurrence, sont dans une certaine incertitude quant à leur éligibilité. Barth attend le verdict de son procès en appel dans l’affaire Ndiaga Diouf. Ousmane Sonko a toujours une épée de Damoclès qui place sur sa tête avec l’affaire Adji Sarr. Bref un Sénégal dans l’expectative surtout que Macky Sall himself n’a pas encore clarifié le débat sur sa participation ou non à la présidentielle de 2024.
Chronique Idiovisuel de Nettali