Présidentielle 2024, les biais inadmissibles de la sélection des candidats qui ébrèchent la navette avant le décollage ( Pr Aliou Lam)

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Arrêt du processus électoral : On ne lève pas les voiles quand l'orage menace. (Par Pr Aliou Lam)
Arrêt du processus électoral : On ne lève pas les voiles quand l'orage menace. (Par Pr Aliou Lam)

Dans une compétition l’objectif de l’organisateur est de sortir un vainqueur, premier du classement des concurrents. Pour ce faire des règles claires sont édictées et doivent guider le processus.

S’engager sous-entend accepter de facto les conditions et les règles du jeu qui sont supposées être contrôlées par des arbitres qualifiés, avertis et entrainés à toute épreuve. Dans le sport l’arbitre est de surcroit assisté de nos jours par l’ordinateur et la vidéo. La VAR soucis de précision et de traçabilité en est l’illustration la plus populaire.

Le candidat face à l’arbitre

Par analogie, la candidature à l’élection présidentielle du 25 février 2024 est une compétition exceptionnelle pour l’avenir du pays et doit être arbitrée avec le maximum de professionnalisme par des instances dédiées et supposées pour ce qu’elles représentent, infaillibles pour le minimum perceptible car bien préparées, bienveillantes et très vigilantes pour répondre au risque zéro. Les opérations de cette année semblent particulièrement complexes eu égard au nombre de candidats engagés à la candidature. Mais je dirais à l’endroit de ceux qui souffrent du nombre et de la qualité des candidats déclarés qu’ils ont certes raisons d’être élitistes, mais l’habit ne fait pas toujours le moine. Avoir 200 ou 300 candidats à la candidature pour 360 partis et plus de 6 millions de sénégalais âgés de 35 à 75 ans est bien concevable et ne signifie point la banalisation de la fonction de président de la république, mais, s’apparente plus à l’inclusivité tant souhaitée par les acteurs politiques eux-mêmes et la société civile en particulier. L’idéal pour rassurer, ne serait certainement pas que quelques initiés seulement puissent briguer le suffrage des sénégalais quelques soient les casseroles et l’immaturité qu’ils charrient. Certains candidats n’ont vraiment pas fait bonne figure en déposant un dossier incomplet, sans parrains ou délibérément avec d’autres documents à la place de ce qui leur a été demandé. L’erreur est humaine. Cependant, de part et d’autre , pour les candidats et pour les arbitres du jeu démocratique, assumer certaines charges implique non seulement qu’on soit apte à le faire mais aussi, assez conscient des responsabilités et conséquences qui en découlent. A certain niveau tout doit être impeccablement exécuté. Malheureusement tel n’est pas encore le cas dans ce processus que le Sénégal compte parmi les plus importants de son agenda, à savoir choisir celui à qui incomberont les charges de présider à la destinée de notre pays les 5 prochaines années.

Les dés semblent pipés

D’abord tout ne paraît pas fin prêt. Et à l’étape de la candidature, on peut sans se tromper, attester que l’élection présidentielle de 2024 est déjà entachée d’irrégularités qui sont loin d’être terminées. Elle ne sera plus, par sa transparence, la belle réussite à laquelle on pouvait s’attendre. Les dés sont pipés de fait, volontairement, par négligence ou par excès de confiance. Dommage car pour la première fois dans notre histoire politique le tenant du siège ne sera pas candidat à sa propre succession. Ceci devrait constituer un point d’encrage solide dans notre démocratie et nous ouvrir l’ère des alternances pacifiques, fluides et régulières, mues par les intérêts supérieurs de la nation qui nous pousseraient non seulement à pacifiquement s’opposer politiquement parlant, mais à gouverner ensemble tant que faire se pourra. La gouvernance démocratique appellerait à ce que l’opposition participe à la gestion des affaires au prorata des voies bien que minoritaires qui lui ont fait confiance sans que cela ne soit de l’entrisme ou un gouvernement d’union national. Seulement à l’ouverture de la compétition les arguments ne manquent pas pour étayer la thèse d’un choix déjà biaisé.

Primo, le fichier fantôme

Ni les acteurs engagés dans cette compétition ni leurs juges ne savent pas sur quel fichier le parrainage a été arrimé : 2017 ; 2019 2022 2023 ? Et qu’est ce qui porte ou justifie réellement les 0,6 à 0,8% qui font des 44231 et 58957, le minimum et le maximum de parrains requis ? Un fichier de 7 371 833 électeurs ! C’est bien lequel ? Quand le véritable fichier sera dévoilé et connu est ce que ces chiffres garderons leurs sens et la valeur qui ont permis de sélectionner et de valider des candidatures, pipées par une foultitude de parrains qui bien que réels restent non identifiés sur le fichier utilisé par la commission de vérification du parrainage?

Secundo, le casse-tête des doublons

Le processus du contrôle des candidatures se déroule en plusieurs phases où chacune peut être un barrage, le starting-block étant l’obtention d’une fiche de parrainage. N’est-il pas envisageable que des Sénégalais désireux de participer n’aient pas pu franchir cet obstacle ? La réponse est bien que si. Les concertations et les préalables mettant tous les acteurs d’accords sur le fichier à utiliser et le paramétrage de certaines données qui le composent n’ayant pas eu lieu, le problème de doublons dans les fiches de parrainages reste insolvable. Leur origine est multiple. Des entités politiques ont gardé des données personnelles collectées depuis les parrainages des élections de 2019 à maintenant. En outre il y a une base de données personnelles des citoyens sénégalais, qui circule librement, détenue par des personnes tierces qui les utilisent en pareilles occasions et d’autres détenues par des dizaines d’agences, de sociétés et de services qui l’exigent de leurs usagers et clients sans pour autant être en mesure de les sécuriser ou de les rendre inutilisables à leur insu par des tiers. Cela expliquerait en partie la possibilité des doublons externes retrouvés sur plusieurs candidats sans que la personne impliquée ne soit responsable, car elle n’est plus la seule détentrice de sa volonté de parrainer un seul candidat mais elle a été utilisée par de multiples artifices pour parrainer d’autres personnes. Ainsi des candidats ont été des doublons externes sur leur propre fiche de parrainage. Des preuves existent et ont été relayées par les concernés.La question : ce parrainage est-il suffisamment fiable pour être validé ?

Tertio, le traitement inéquitable des candidats une véritable forfaiture

Le processus de contrôle, de sélection et de validation des candidatures s’est avéré être un tamis troué à plusieurs niveaux et n’a pas permis au finish d’accorder la même chance à tous les candidats, tant bien même qu’à cet effet certaines dispositions aient été annoncées au préalable. Le contrôle des parrainages qu’on le veuille ou non fait partie des contrôles de fond comme celui d’autre pièces qui composent le dossier de candidature et aurait eu plus d’impact par le tirage au sort qui remet une note aléatoire sur la sélection, si certaines étapes étaient bien marquées comme prévu. Parmi 260 fiches retirées ceux qui ne sont pas venus déposer, se sont éliminés eux-mêmes. Lors du dépôt ceux qui ne réalisaient pas les conditions du dépôt ont été éliminées de la course le 26 décembre à minuit. Puisqu’il fallait tirer au sort pour procéder à l’étude de fond des parrainages, il aurait été plus équitable d’emblée comme prévu, d’exclure ceux qui ne réunissaient pas les conditions globalement sur la forme, c’est à dire la mise à disposition des 9 points cités comme indispensables au dossier. Cela aurait permis encore comme tous les candidats s’y attendaient, d’éliminer ceux qui ne répondaient pas à ce critère de dossier incomplet par défaut du nombre de pièces exigés ou par production d’un autre document que celui demandé (par exemple la quittance de la CDC à la place de l’attestation de la CDC). Ainsi le tirage au sort aurait concerné moins de candidats et permis de tenir l’examen du parrainage dans de meilleures conditions.

Le tirage au sort donnant au candidat une chance d’être bien placé ou la malchance d’être le dernier, la détection et l’effet de doublons imputés sur toute la chaine à ceux qui se suivent, a trop favorisé le premier de la liste et anéanti le dernier qui n’avait pratiquement aucune chance de s’en tirer. Les candidats relancés pour le deuxième tour n’ont pas non plus eu la même chance de repasser devant la commission. Quand les premiers au lieu de 48 h, ont eu du 31 décembre au 08 janvier (8 jours) pour recharger le plein de parrains, Les derniers en plus d’être obligés de passer en dernier ressort n’ont eu que 48 heures du 06 janvier au 08 janvier pour compléter leurs parrainages. Un deuxième tirage au sort qui aurait pu rééquilibrer cette perte de chance bien que sollicité, n’a pas été jugé nécessaire. Il s’est encore passé une injustice notoire au détriment des derniers candidats du deuxième tour qui constitue un biais supplémentaire dans la sélection. N’est-ce pas là encore une preuve irréfutable du mauvais déroulement de cette phase de sélections des candidats qui appelle à annuler tout bonnement le processus déjà mal embarqué?

Les leçons d’une compétition majeure mal arbitrée.

La notion de perte de chance qui apparait a plusieurs niveau du processus et qui n’a jamais été prise en compte est ainsi restée une lacune inadmissible qui va participer à entacher le processus à la base en attendant les multiples autres qui ne manqueront pas de surgir dans les jours et semaines à venir.

Les leçons à tirer de tout ce qui précède, sont que toute compétition a des règles et elles doivent être claires et s’appliquer équitablement à tous. Aujourd’hui plus que jamais, dans nos sociétés assez dotées de moyens et de connaissances ces règles doivent être bien connues, maitrisées et partagées pour donner la même chance à tous les acteurs de participer mais aussi d’être jugés pareillement. Le cas échéant, quand les dés semblent aussi bien pipés et leurs conséquences mal considérées, cela peut être à l’origine de nombreux et regrettables contentieux difficilement surmontables. En outre on retiendra que le parrainage citoyen dans sa forme actuelle a atteint ses limites et ne pourra plus prévaloir, dans la mesure où il est assuré par la carte d’électeur qui en cette circonstance n’est plus la propriété exclusive du citoyen, bien qu’il en garde toujours et heureusement le contrôle en tant qu’électeur pour le vote physique.

Dans l’arène quand l’arbitre commet trop d’erreurs le combat est tout simplement arrêté. Pour cette fois-ci, certainement le fairplay citoyen va prévaloir, mais il faudrait que les détenteurs de l’ordre et de l’équité en matière électorale soient plus vigilants et plus exigeants envers tout le système. Alors à messieurs du jury de la présidentielle 2024 bon courage, le peuple en bon veilleur vous assistera.

Pr Aliou Lam – Candidat recalé à la présidentielle de 2024

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