Dans une frénésie sans précédent, une quête de la meilleure formule la plus percutante, s’est emparée des organes de presse nationaux comme internationaux pour saluer, dans un unanimisme digne des scores électoraux soviétiques, la proclamation par Macky Sall de sa décision sans ambages de ne pas briguer un troisième mandat à la tête de l’exécutif de la République du Sénégal en Février 2024.
Assurément, ce 03 Juillet 2023 est une date qui vient s’ajouter à celles glorieuses du 04 Avril 1960, du 19 Mars 2000 et plus récemment du 27 Mars 2012, qui sont écrites en lettres d’or sur les pages remarquables du livre passionnant de l’histoire du singulier pays africain qu’est le Sénégal.
LE DIGNE SUCCESSEUR
Après le duo Mamadou Dia – Léopold Sédar Senghor qui paracheva l’accession à la souveraineté internationale du Pays de la Téranga, sous le regard attendri de Lamine Guèye, Docteur en Droit, 1er Président de l’Assemblée Nationale du Sénégal, lui fit suite la belle séquence de la première alternance démocratique qui a vu se succéder au Palais de l’avenue Roume : Abdou Diouf, l’héritier de l’illustre Président-poète et Abdoulaye Wade, puis ce dernier avec Macky Sall.
C’est celui-ci qui, vient d’inscrire, en ce début d’hivernage dakarois, un riche épisode de l’histoire de ce pays, phare du Continent africain, en déclarant urbi et orbi qu’il ne présentera pas sa candidature à la charge suprême et prestigieuse de Président de la République.
Il aura, ce faisant, pris le parti de ne pas céder aux sirènes des laudateurs impénitents et assoiffés de privilèges qui gravitent autour de lui, ainsi qu’aux tenants invétérés du maintien de l’ordre établi-le système comme dirait l’autre- pour briser sa zone de confort et surgir sur le parvis de l’Olympe des Grands hommes de l’histoire contemporaine.
GESTATION DOULOUREUSE
Certes l’attente fut longue et tragique quelques fois, saccadée par moments, convulsive à d’autres, des milliards de francs ayant été perdus en casses, arrêts économiques, dépenses lourdes pour le maintien de l’ordre, destructions de biens publics et privés, morts violentes d’hommes, corps estropiés et tutti quanti.
Cependant, le plus lourd tribut payé pour le gain de ce challenge aura été les blessures sérieuses occasionnées à la figure d’Etat démocratique et respecté du Sénégal, les atteintes incontestables aux droits et libertés des citoyens, le début d’amputation sérieuse de l’intégrité respectable de la « signature » et du « risque pays du Sénégal ».
Des débuts d’initiative d’enclenchement de procédures plaintives devant la Cour Pénale Internationale ont couronné fraichement le tableau assombri d’un Sénégal qui glissait dangereusement dans le cercle déjà bien rempli des autocraties africaines si décriées.
LE PRAGMATISME ET LE COURAGE EN ŒUVRE
Prenant en compte la forte poussée de l’opposition politique sénégalaise, soutenue par la société civile, les actions de médiation discrètes et décisives des autorités religieuses, la forte mobilisation d’une opinion publique énergique et motivée à la tête de laquelle s’illustre une jeunesse plus que déterminée, mais aussi les pressions et conseils amicaux , francs et sincères de Chefs d’Etat de pays amis et de la Communauté internationale, le Président Macky Sall a pris le parti éclairé de ne pas céder aux sirènes grisantes d’aspirer au « mandat de trop ».
Certes, il a installé son camp dans l’inquiétude stressante des lendemains incertains, l’APR, son parti, Benno Bokk Yakar, sa coalition et la majorité présidentielle élargie, se trouvent placés dans le choix cornélien de survivre ou périr, privés à présent de son leadership.
LA SCIENCE DE LA MANŒUVRE POLITIQUE
A ses côtés rendus fréquentables par sa volonté de les remettre dans le jeu politique, le PDS de Abdoulaye Wade et Karim Wade et la Coalition Taxawu Sénégal de Khalifa Sall et Barthélémy Dias, le Maire de Dakar, tentent avec plus ou moins de bonheur de retrouver une place de choix dans l’échiquier.
Ne seront-ils pas victimes du « prix de leur réhabilitation » si celle-ci passait par une amnistie qui entrainerait le passage par pertes et profits de dizaines de milliards de francs que la justice leur réclame suite à des procès, certes controversés, mais ayant abouti à des décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée.
Elargie à une séquence temporelle judicieusement large, une telle amnistie ne couvrirait pas des actes de détournement de biens publics et autres crimes économiques et financiers qui auraient englouti des centaines voire des milliards de francs, dont se seraient rendus coupables ses proches et partisans ?
Il est raisonnable de penser que la pilule passerait difficilement auprès d’un électorat chauffé à blanc et qui, depuis 2019, date de sa réélection à la tête du pays, n’a eu de cesse de s’abstenir ou pis de sanctionner le camp du Président Macky Sall.
LE TALENT ET LA SAGESSE
C’est ici que surgit le talent politique de Macky Sall, qui au-delà de son vécu, est un scientifique qui soumet tout problème à l’aune du raisonnement, de l’analyse froide et objective qui induira à la conclusion par un résultat solide, une solidité d’airain.
• Choisir de « forcer le barrage » puis d’être battu à plate couture aux urnes et sortir par la plus petite porte, serait un échec cuisant qui plomberait sa belle carrière politique.
• Prolonger de facto sa présence à la faveur de l’entretien d’un climat délétère ne le grandirait point et entamerait le crédit du Sénégal qu’il « porte au cœur » comme formuler dans son livre « Le Sénégal au cœur » où il affirme à la page 165 : « … Et me voici de nouveau devant en vue de solliciter votre confiance pour un second et dernier mandat… ».
• Fâcher ses amis à l’international qui n’ont eu de cesse de le pousser amicalement et tendrement à « sortir par la grande porte » en renonçant au mandat de trop lui permettrait de s’ouvrir les portes de futur leader de dimension internationale qui viendrait conduire les destinées de Grandes Organisations telles que les Nations-Unies, la Francophonie ou l’UNESCO.
• Préserver le Sénégal de graves blessures qui freineraient son élan démocratique serait une manière d’effacer ses bons résultats en matière d’édification d’infrastructures et de modernisation d’un pays qui fait montre d’un essor incontestable.
L’HOMME DU 03 JUILLET 2023
En somme, au terme de la résolution de l’équation, l’ingénieur Macky est venu au secours du Président Sall pour lui donner l’inspiration qui fait désormais de lui l’Homme du 03 Juillet 2023.
Restent pour lui, ces questions majeures :
• Qui pour lui succéder en 2024 en assurant la préservation de son héritage et garantir la continuité du régime ?
• Quelle carte va-t-il jouer ? Celle de Amadou Bâ, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye, Mamadou Moustapha Bâ ou Mouhamed Boune Abdallah Dione.
• Portera-t-il son choix sur Karim Wade, Khalifa Sall ou Idrissa Seck, mystère et boule de gomme ?
• Comment résoudre l’équation Ousmane Sonko, un leader politique phénoménal, qui a le vent en poupe et qui est un sérieux prétendant à la magistrature suprême ?
• A-t-il les armes pour reprendre sa maîtrise de l’horloge.
A sept mois de la Présidentielle de février 2024, le temps lui est compté. La résolution de ces équations majeures marquera, sans nul doute, le couronnement du destin exceptionnel de Macky Sall, 4ème Président de la République du Sénégal, qui a surpris son monde comme nous l’évoquions dans le numéro 78 du Magazine Regards du mois d’Avril 2023 « Présidentielle 2024 et si Macky Sall nous surprenait ? ».
Abdoulaye Fofana Seck